10 octobre 2013

ARCHITECTURE EN TERRE CRUE

Des matériaux, des techniques et des savoir-faire au service de nouvelles applications architecturales
Un matériel toujours actuel
Si l’emploi de la terre dans les pays que l’on dénomme aujourd’hui « avancés » régressait après la Seconde Guerre mondiale, soit il y a à peine cinquante ans, il perdure dans la plupart des pays dits « en développement ». D’un côté, l’industrialisation du bâtiment et les grandes mutations des sociétés industrialisées rendaient désuètes les techniques ancestrales basées sur l’emploi des matériaux et des savoir-faire locaux, sur l’entraide des communautés ; d’un autre côté, la pénurie des matériaux transformés, chers en devises et en énergies importées, le creusement des écarts de développement et l’accumulation de la dette contractée au sein du système monétaire international, la survivance des modes de vie des sociétés locales toujours conviées à s’entraider pour survivre, imposaient la perpétuation d’emploi des solutions localement disponibles, matériaux et savoir-faire. Dans ces pays démunis de moyens industrialisés, sous des latitudes très diverses, la terre y demeure le matériau de construction principal si ce n’est essentiel. Est-ce à dire pour autant qu’il s’agisse d’u matériau pauvre et de techniques, inaptes à favoriser un accès légitime et nécessaire au développement ? Certes non car ce matériau et ces techniques sont le plus souvent fort bien utilisés et peuvent garantir une réelle qualité architecturale, permettent aux communautés de continuer à édifier leur cadre de vie privé ou public et d’intégrer les réalisation bâties dans une problématique cohérente de développement autocentré tirant le meilleur parti des ressources disponibles au plan matériel comme humain. D’autre part, les développements de la recherche scientifique et architecturale sur le matériau terre et les techniques de construction aux cours des dernières décennies, l’investissement des industriels et des entreprises du bâtiment, convergent aujourd’hui vers la mise à disposition d’un ensemble de procédés de production et de solutions techniques parfaitement maîtrisées et d’une grande variété offrant une grande souplesse d’adaptation aux multiples terrains d’application possibles.
UN PAYSAGE ARCHITECTURAL MONDIAL TRES MARQUE
Les recensements les plus récents au plan mondial, bien que tout à fait partiel, avancent une réalité quantitative des architectures de terre qui concerne 30% du logement de la population mondiale. Dans les seuls pays en développement, il s’agit de 50% de la population rurale et d’environ 20% de la population urbaine. Ces chiffres issus du croisement d’une information d’enquêtes statistiques sur des terrains variés et d’une bibliographique, sont certainement en-deçà des réalités. 60% de l’habitat péruvien est en briques de terre moulée ou en terre damée. 83% des logements de Kigali, capitale du Rwanda sont en terre. Plus de 70% du par immobilier de l’Inde est en briques de terre moulée ou en couches de terre superposées et concerne plus de six cents millions de personnes. En France près de 15% des habitations rurales sont en terre crue avec, pour la région du Dauphiné, des villages qui comptent jusqu’à 90% de leur bâti en « pisé » (terre damée en coffrages). En Californie, on comptait en 1980 près de 200 000 maisons en « adobe » (briques de terre séchée au soleil) et la progression d’emploi de ce matériau est de 30% l’an.
Du plus humble habitat en concessions aux greniers multiformes d’Afrique, des palais des émirs de l’ethnie Hausa du Nigéria au aux ksours et kasbahs du Maroc, des mosquées maliennes au quartiers denses d’Ispahan en Iran, des demeures fortifiées de la région de Najran en Arabie Saoudite aux immeubles en terre hauts de plus de dix étages de Shibâm, dans la vallée de l’Hadramaout au Yémen du Sud, des fermes en briques moulées d’Aquitaine aux châteaux baroques et néo-classiques du Val de Saône, en France, des pueblos des indiens du Nouveau Mexique aux maisons en anneaux concentriques des Hakkas de la Province du Fujian, en Chine, la terre entière est marquée de façon indélébile par l’architecture de terre, vestige de l’histoire vécue et cadre vivant de l’histoire en évolution.
UNE DES SOLUTIONS POSSIBLES ET RAISONNABLES POUR L AVENIR
Confrontés dans les années soixante-dix à « la crise de l’énergie », les pays industrialisés dépendant du pétrole étaient précipités dans une remise en question radicale des solutions techniques éprouvées, trop « énergivores ». Le secteur bâtiment n’était pas épargné et l’on cherchait des solutions permettant d’économiser l’énergie en amont (fabrication et mise en œuvre des matériaux) et en aval (maintenance) de la chaîne de production. Les recherches sur la biomasse, l’énergie solaire, allaient de pair avec des expérimentations qui réactualisaient les matériaux traditionnels et tentaient d’en rationnaliser les procès de production. La terre redevenait un matériau de tout premier intérêt et des institutions gouvernementales soutenaient une importante activité de recherche et d’expérimentation à la fois dans la sphère d’application des pays en développement dans le cadre d’actions de coopération bilatérale ou multilatérale. Aujourd’hui, la menace exercée sur l’équilibre écologique des milieux naturels pollués, dégradés ou pillés, accentue l’intérêt que l’on peut porter à des matériaux et des techniques qui portent en eux-mêmes le souci de l’environnement. L’implication de plus en plus grande des populations dans le contrôle et la gestion de la production du cadre de vie à la fois du fait d’une nouvelle conscience de ces possibilités, d’une recherche qualitative et d’un temps de loisir accru, est associée à l’emploi de techniques simples et économiques, faciles à mettre en œuvre, permettant une grande part d’auto construction partielle ou totale. Les Etats-Unis d’Amérique, l’Australie et l’Allemagne, confrontent de nouveaux modèles d’intervention sur le bâti qui responsabilisent davantage l’habitant dans la réalisation de son cadre vie. Le matériau terre dans ces perspectives offre des atouts certains et y prend une bonne place.
Dans les pays en développement, écrasés par la dette et confrontés à une urgence de construction sans précédent connu dans l’histoire, les matériaux, les techniques et les énergies importées sont le plus souvent inaccessibles au plus grand nombre et contribuent à confronter un « mal développement ». La construction en terre apparaît être un des moyens efficaces de production à court terme d’un habitat et d’équipements communautaires (écoles par exemple) économiques et de qualité (adaptation culturelle, climatique). Les décideurs de ces pays ne s’y trompent pas qu’ils mobilisent en phase amont des études de faisabilité de leurs « programmes éducation» ou de leurs programmes d’habitat social par exemple, la recherche sur les ressources et des savoir-faire locaux, les techniques intensives créatrices d’emplois et permettant une monétarisation progressive des populations. Le temps est aujourd’hui révolu des expérimentations coûteuses et le plus souvent sans lendemain. Il faut promouvoir une nouvelle confiance dans les ressources disponibles, il faut démultiplier les réalisations et former les hommes qui les emploient.
LES AVANTAGES AU PLAN DE L ENVIRONNEMENT
Il paraît particulièrement important de relever les nombreux avantages que présente la technologie de la construction et de l’architecture de terre crue au plan de l’environnement. Cette question devient actuellement très centrale et rejoint celle des problèmes contemporains de société qui prennent davantage de la place dans les stratégies politiques, économiques, sociales et culturelles liés à la planification et l’aménagement de la qualité de la vie. On retiendra ici un sens large du concept d’environnement, à la fois au plan écologique, économique, technique, sanitaire et psychologique, culturel et humain.

Au plan de l’environnement écologique
La terre crue offre l’avantage d’un bilan pollution et dégradation entièrement positif :
elle ne participa pas à la déforestation qu’entraîne par exemple l’emploi des ressources végétales par la cuisson des matériaux de terre cuite.
Elle ne consomme pas d’énergie non renouvelable (pétrole, gaz…)
En exploitant des gisements sur les sites de construction, elle permet une réduction notoire de l’énergie nécessaire au transport des matériaux.
Elle ne contribue pas à une dégradation des paysages comme le fait l’extraction des minéraux et minerais qui éventrent les collines et sites à ciel ouvert. Une grande part de la terre remuée par les grands travaux publics (routiers et autoroutiers notamment) peuvent être recyclés pour une utilisation en construction (décentralisation de la distribution très aisée)
Elle ne contribue pas à l’amenuisement des ressources en agrégats du type gravier ou sable exploitées en carrière ou dans les lits des cours d’eau, dans des sites insulaires ou des lagons mettant en péril l’équilibre écologique de ces environnements naturels.
Elle n’utilise que très peu d’eau, ressource essentielle à la vie des peuples.
Elle ne produit aucun déchet d’exploitation industriel ou chimique et présente en outre l’avantage d’un recyclage quasi complet.
Au plan de l’environnement économique
Elle est souvent compétitive voir plus économique que les technologies concurrentes en n’exigeant pas de mobilisation financière importante pour l’infrastructure de production le plus souvent légère.
Elle garantie des seuils d’amortissement rapide des investissements par le peu d’infrastructure de production mobilisable.
Elle contribue sous des formes décentralisée à, intensive artisanale et semi-industrielle ainsi que par sa grande souplesse d’adaptation, à la dynamisation des sociétés locales par la création d’emplois sur l’ensemble de la chaîne de production.
En permettant une économie d’énergie et de devises importées.

Au plan de l’environnement technique
Elle offre des propriétés de comportement thermo physique et hydrique qui contribuent à la régulation des ambiances de confort thermique et à une mise en valeur des mécanismes de fonctionnement bioclimatique de l’habitat : bonne conduction, capacité de stockage énergétique et déphasage thermique (effusivité et diffusivité), amortissement des écarts de température, etc.
Elle ne mobilise le plus souvent qu’un outillage de production et de mise en œuvre simple et accessibles à une large population de constructeurs et d’auto constructeurs.
Au plan de l’environnement sanitaire et psychologique
Non polluante pour son exploitation
Elle contribue au bien-être psychologique par les qualités propres du matériau mises en valeur par l’architecture, telles que texture de surface, couleur de la matière, forme et luminosité du matériau. Elle participe activement à l’embellissement du cadre de vie.
Au plan de l’environnement culturel et humain
Elle prolonge l’héritage des traditions architecturales en matériaux locaux de nombreux pays et participe au respect ainsi qu’à la survie et l’actualisation des environnements culturels, architecturaux et urbains.
Elle permet une prise en charge locale, par les populations elles-mêmes de la production de leur cadre bâti et participe ainsi à l’expression du droit démocratique pour tous d’aménager son cadre de vie.
C’est bien dans le « Grand Livre de l’Histoire » que sont aujourd’hui recherchées les possibles solutions d’un avenir qui réservera à la construction en terre, parmi un large registre de techniques locales, un nouveau rôle technologique, social, culturel, économique et politique de tout premier plan.

CASE MOUSGOUM VILLAGE DE POUSS EXTRNE NORD CAMEROUN
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VILLAGE MOUSGOUM A POUSSEXTREME NORD CAMEROUN
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CASE MOUSGOUMENTREE DU PARC DE WAZA EXTREME NORD CAMEROUN
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